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La première à Bayonne  Rencontre avec José Manuel Cano Lopez

Lettre à l'IES Mariana Pineda de Grenade

Impressions d'élèves de1re 603

Essai de costumes le 19 février 2002 : Anton Llamoso, le Boucher, Alain Papillon

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Impressions après filage

Lope de Aguirre, traître

Mercredi 13 février 2002.

C'est le premier filage de Lope de Aguirre, traître auquel j'assiste
Dans trois semaines - moins un jour - la première à Bayonne
Mercredi des Cendres à l'envers
40 jours, le Christ jeûnera dans le désert
On entre en Carême
Après ? Après, les portes dorées d'Omagua, la Babylone amazonienne, la Jérusalem terrestre s'ouvriront pour accueillir en liesse le « basque, court sur pattes et contrefait », le diable boiteux…
Lope de Aguirre, traître…
Sa Passion.

Dans 40 jours, la passion du Christ
Au nom du Père, son fils, Aguirre, est-il sain d'esprit 
Aguirre, ange de lumière, ange déchu, qui te réclames de « la Colère de Dieu »Juana l'a dit : «  Dieu, notre Seigneur, a fait le nouveau monde comme le vieux, les uns, il les a mis en haut et les autres, il nous a mis en bas…
Alors, en bas, sur ce fleuve, Aguirre occupe la place du père qui les a abandonnés, du père absent mais pourtant craint mais pourtant adoré.
« Son père n'est pas un méchant homme, son père… » n'est-ce pas Elvira ?

Et eux, les six acteurs en quête de personnages, Parques, Tria fata, Erinyes bienveillantes, Alecto, Tisiphone et Mégère, la Muse Melpomène, elle aussi convoquée, anges de noir satinés, ils vont progressivement s'incarner, se réincarner en chemin sur l'Amazone. Ils changent de vêtements au fur et à mesure qu'ils s'engagent sur ce chemin de croix aux 14 stations : 9 épisodes et 5 stasimons…
Ils sont en quête de lumière comme le Maranon sans nom : « Je saurai trouver tout seul le chemin qui me conduira au bout de ce labyrinthe… 
Telle est leur foi inébranlable.

Chœurs de prières ou solitudes du Jardin des Oliviers : « Vous m'appelez, mon père ? Que voulez-vous de moi ?… 
« Elôi, Elôi, lama sabachthami » du Christ en croix… 
Elvira, ton père, pourquoi t'a-t-il abandonnée 
Pas de réponse.

En filigrane, se découpe la figure blafarde de « la Colère de Dieu »…
« Quel cœur de père chez cet homme, pour aller donner à sa fille une vie de gitans… ? » questionne Juana Torralva
En silence.

« Inès, Inès, réveille-toi. Veille avec moi pendant cette nuit interminable. » Pedro de Ursua hurle à Gethsémani 
« Abba, supplie le Christ ! tout t'est possible 
Que répond le Père ?

Essai de costumes le 19 février 2002

« Ne souffre pas… Pedro de Ursua… » Ton Royaume n'était pas de ce monde... Couchée sur toi, Inès de Atienza t'aime pour la dernière fois
« Avais-je un autre choix ? 
Pas de réponse.

« N'est-ce pas, Gonzalo, qu'il m'aime et veille sur moi comme un père ? 
Dors tranquille Fernando de Guzman, pauvre petit prince barbotant comme une grosse grenouille
On ne choisit pas sa croix, n'est-ce pas 
Pas de réponse.

« T'as pas fini, mon vieux – mon Dieu ? – de jouer à cache-cache avec moi ? » hurle le Maranon sans nom
Pas de réponse, Maranon 
D'abord, tu n'as pas de nom 
Dieu appela la lumière, « jour » et les Ténèbres, « nuit », mais ne nomma même pas le Maranon
A quoi bon ?

« Vous voyez, braves gens, où finissent les pompes et les vanités de monde » philosophe notre boucher. 
Pas de commentaire
Vanité des vanités, et tout est vanité !

Soliloques
Chaque personnage est seul face à sa souffrance, à son errance, à son destin
Memento mori
Souviens-toi que tu vas mourir, pourrir, avec toute cette humidité…
En tête à tête avec un reflet
Trois toiles de Philippe peuplent déjà la vaste cathédrale amazonienne, nef baroque où les fûts des colonnes rappellent les troncs des arbres tropicaux
Toiles-autels des Arauquinas, couleurs épaisses qui saignent un petit meurtre : celui de « Monsieur l'Ombre de ton Nom » ? Arrieta, englouti par la forêt 
Chair humaine exposée, éclairée, explosée…

Pour cette cérémonie païenne, la Piéta profanée s'inverse elle aussi
C'est elle qu'on crucifie et le monstrueux Aguirre, tyran enflé, gonflé de colère gigantesque serre en ses bras la dépouille sanglante d'Ana Rojas descendue de sa croix 
Chronos dévorant ses enfants
« Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c'est la loi. 

« Lope de Aguirre est-il vraiment la colère de Dieu ? Est-ce Dieu ou le Diable qui l'envoie ? 
A nous de déchiffrer !
Tu ne réponds pas ?
Ana Rojas, sa chose, sa marionnette, son simulacre de Passion.

Transfiguration.
Cette année-là, en l'an 1561, Vendredi Saint est tombé un lundi.
Le lundi 27 octobre.
L'évangéliste Pedrarias, le chroniqueur, le pisse-copie livra l'Evangile de la Colère de Dieu.
C'est Aguirre aux 7 douleurs.
Tête tranchée.
Corps dépecé.
Morceaux exposés.
Tête encagée.
Main droite à Mérida.
Main gauche à la Nouvelle Valence…

7e douleur ?
…Sa seule fille, poignardée…

 

Pedrarias - Thierry Vermote : Essai de costume 19/02/02

Mais sur le fleuve comme au ciel, il y a le miracle des Innocents.
Cortèges de processions.
Pèlerinage.
Sagrada semana.
Elvira, la colombe assassinée, la colombe au jet d'eau, douce figure poignardée, chères lèvres fleuries, n'est-ce pas elle qui sort de l'ombre sans nom et survit à son père ?
Ressuscitée ?
Oui !
Revoilà la petite fille.
Elle est revenue en son jardin d'Eden.
C'est qu'elle a un secret.
Un secret d'amour.
Son Eucharistie.
Lucifer ?
Au potager.
Apaisé.
Tranquille.
Noir final.

Douce fin tranquille, apaisée.
Purifiée.
Catharsis ?
La Colère de Dieu, le condor blessé, le cœur mordu par l'araignée noire, le Monstre de l'Histoire, ne retrouve-t-il pas un peu d'humanité, puisque sa fille l'aime ?
Hein ?
Pas de réponse.

Ite missa est.

 

 

Pascal Mettot en répétition : janvier 2002

Pedro de Ursua